La réflexivité des représentations de l'étranger et du citadin appartient déjà au discours du flâneur, de l'arpenteur, de l'homme de la rue. La rue est la première image de la ville et elle est colorée, bigarrée. Confusion des langues : la ville est un monde, immense par évocation.
Tous les sens, ou presque, participent à l'impression cosmopolite : la vue et l'ouïe, le goût, l'odorat, à l'exclusion du toucher. C'est la prescription du toucher qui est décisive pour l'anthropologie urbaine des rencontres. Les corps se livrent à une danse étrange, tour à tour déployés chacun dans sa réserve de sens, dans son territoire, puis, happés au centre dans un grouillement infernal, ils sont contraints à la coprésence, au tact et à l'attention. La mise en scène de la vie quotidienne est un guide pour l'attention et le tact est décidément le contraire du toucher. Les territoires et les réserves sont des régions de sens normal, d'« apparences normales », dit Goffman. Au contraire les centres sont un melting-pot. Parfois à bon compte, et c'est du spectacle ; souvent tragiques et c'est l'ordinaire des relations inter-ethniques. Celles-ci sont le paradigme des « situations d'alarme » et nourrissent quotidiennement le discours de la scène urbaine, l'insécurité. L'insécurité urbaine s'évalue à vue d'œil et elle est réciproque. Personne n'est tranquille et tout le monde a peur.
Tout le monde se sent minoritaire : les minorités et les majorités, les envahisseurs et les envahis. Simplement, la peur du migrant n'est jamais une surprise et, la mémoire transie, coupé de sa réserve de sens, sans souvenir de la rue d'avant, il est inquiet à chaque instant. Uncertainty as a way of life.
Isaac Joseph, Urbanité et ethnicité
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