Saturday, February 25, 2012

Flugfeld

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Précisionnisme

précisionnisme [nom masculin] : Tendance de la peinture figurative des États-Unis dans les années 1920 et 1930, caractérisée par un style schématique et précis (Sheeler, Charles Demuth [1883-1935], O'Keeffe pour une part de son œuvre, etc.). [Également appelés « réalistes-cubistes » ou « Immaculés », les précisionnistes ont privilégié la représentation du paysage urbain et industriel moderne.]

Precisionism ou "immaculates"
Nom donné à l'esthétique d'un groupe (que l'on appelle aussi Cubo-Realism, en franç., réalistes-cubistes) d'artistes américains formé à la suite de l'exposition de l'Armory Show à New York en 1913. Ces artistes cherchèrent, tout au long de leur carrière, à adapter les réalités de la "vie américaine" aux qualités formelles qu'ils discernaient surtout dans la peinture cubiste. Charles Demuth fut le premier à se soumettre spontanément à cette réforme visuelle. Avant 1917, il avait déjà modifié son style pour soumettre l'architecture des villes américaines aux angles aigus et aux plans transparents du Cubisme. Charles Sheeler s'intéressa aussi à la structure fondamentale des objets, libérant le sujet de son côté anecdotique et romantique pour n'en retenir que les aspects essentiels, mais tout en conservant des références visibles. Ces peintres avaient appris que leurs collègues français regardaient les États-Unis avec admiration, comme s'ils étaient l'expression du modernisme industriel, la réalisation même de la beauté du XXe s. Ils en vinrent à concentrer leur effort artistique sur l'activité contemporaine industrielle ou urbaine. Cependant, dans les limites de ce style, des artistes comme Georgia O'Keefe, qui simplifiaient et idéalisaient les formes organiques offertes par la nature, eurent également du succès. Niles Spencer, George Ault, Ralston Crawford, avec Demuth, Sheeler et O'Keefe, les meilleurs du groupe des réalistes-cubistes, tentèrent la mise à jour d'une beauté exclusivement moderne en acceptant les qualités extérieures de la peinture française et les réalités des apparences américaines. En fait, leur notion du terme abstrait était littérale. Ils cherchaient des principes généraux, clairs, articulés, emphatiques dans leur structure et qui, pourtant, préservaient l'intégrité du sujet typique américain.

Wednesday, February 15, 2012

Les sept Regraga

Les sept Regraga, disciples de Jésus et compagnons du Prophète

Selon leur mythe, l'origine des Regraga remonte au temps de Jésus, quand ses adeptes se dispersèrent dans le Bassin Méditerranéen. Quatre débarquèrent sur les côtes marocaines, près d'Akarmoud, et s'y établirent. Les générations passèrent, jusqu'à ce que la nouvelle de la révélation coranique parvienne à leurs descendants demeurés chrétiens. « Or, Jésus avait prédit, avant de monter au Ciel, la venue d'un nouveau prophète », raconte Si-Ahmed, chef charismatique des Regraga. Sept d'entre eux partirent alors à sa rencontre. En arrivant à la Mecque, Fatima, la fille du Prophète, ne comprenant rien à leur dialecte, alla chez son père et s'exclama : « Maha dihi rejraja ? » (« Qui sont ces gens qui bredouillent ? »). Le Prophète, qui comprenait toutes les langues, répondit : « Tu viens de leur donner leur nom : Rejraja. » Aussitôt, les Sept embrassèrent l'islam et manifestèrent leur désir de rester auprès de Mohamed. Mais ce dernier les chargea de rapporter la nouvelle religion dans leur lointain pays du Couchant. C'est ce qu'ils firent, et les tribus se convertirent une à une. La première islamisation du Maghreb serait donc le fait de Berbères, mais qui plus est, de chrétiens convertis, devenus compagnons du Prophète. S'il va à l'encontre des thèses historiques attestées, le mythe fondateur est en tout cas riche de sens.

Manoël Pénicaud, Dans la peau d'un autre : pèlerinage insolite au Maroc avec les mages Regraga

Tuesday, February 14, 2012

Les livres de veuves

Aux Pays-Bas et en Flandre, les livres qui évoquent la mort d'un proche, le plus souvent sans avoir pu lui dire au revoir, se sont multipliés. Au départ on les a appelés « les livres de veuves », avec en 1998 Taal Zonder Mij de Kristien Hemmerechts , consacré à son mari le poète flamand Herman de Coninck mort d'une crise cardiaque à l'étranger. Ou encore le I.M. de Connie Palmen (Actes Sud), monument de la littérature néerlandaise (Les Lois, Actes Sud) où elle évoque son premier compagnon décédé, l'intervieuwer, poète, écrivain et dramaturge flamboyant Ischa Meijer. Désormais, on les appelle les « requiems ». Il en est sorti cinq depuis 2008 : le magnifique Contrepoint d'Anna Enquist (Actes Sud), dont la fille Margit a été également tuée à vélo par une voiture, La langue de ma mère (Actes Sud) de Tom Lanoye, le Gestameld Liedboek d'Erwin Mortier ou le Logboek van een onbarmhartig jaar de la même Connie Palmen, qui conte cette fois la mort de son second compagnon, l'homme politique néerlandais Hans van Mierlo. « De la masturbation », dénoncent certaines revues intellectuelles.

Monday, February 13, 2012

Le Bourgeois

Le mépris pour les manières bourgeoises à l'intérieur de la bourgeoisie naît avec Les Précieuses de Molière ("Magdelon: Ah ! mon père, ce que vous dites là est du dernier bourgeois"), mais c'est seulement sous le règne de Louis-Philippe que le Bourgeois s'élève à la catégorie universelle et envahissante, suscitant un rejet tout aussi large. Lequel sévit remarquablement en France, c'est-à-dire à Paris, capitale du siècle. Dès le début le Bourgeois est montré comme accouplé à la bêtise (ou sottise, comme disait encore Baudelaire - et c'est le premier substantif que l'on rencontre dans le premier vers des Fleurs du mal), en tant que puissance motrice de l'histoire et de son progrès. On ne craint pas, chez le Bourgeois, une classe sociale, mais un être nouveau qui met fin à toutes les catégories précédentes en les absorbant sans exclusions dans une nouvelle humanité au profil indéfini car toujours changeant. La vision était exacte et correspond à l'état normal des choses un siècle et demi plus tard, quand les sociétés dominantes finissent par s'appuyer avec des approximations, par excès ou par défaut, sur une classe moyenne omniprésente.

Roberto Calasso, La folie Baudelaire

Delacroix et la photographie

Le rapport de Delacroix à la photographie, analysé par Damisch* dans l’avant-dernier chapitre intitulé « L’Œil Juste » illustre les contradictions d’un génie « pris en écharpe » entre passé et avenir, entre tradition et modernité. Delacroix a bien compris l’intérêt du nouveau médium qu’il considère comme un formidable aide-mémoire pour le peintre, un outil qui lui permet de voir la nature avec exactitude et même de corriger les défauts des maîtres : Damisch cite ainsi un passage célèbre du Journal dans lequel Delacroix raconte comment il compare avec des amis des gravures de Marcantonio Raimondi à des photographies de modèles nus. « Après avoir examiné ces photographies, écrit Delacroix, je leur ai mis sous les yeux des gravures de Marc-Antoine. Nous avons éprouvé un sentiment de répulsion et presque de dégoût, pour l’incorrection, la manière, le peu de naturel, malgré la qualité de style, la seule qu’on puisse admirer […] qu’un homme de génie se serve du daguerréotype comme il faut s’en servir, et il s’élèvera à une hauteur que nous ne connaissons pas. » Delacroix ne s’aventure cependant pas plus loin : la photographie se doit d’occuper un rôle ancillaire, elle est « la servante au grand cœur » de la peinture qui seule est capable de transmettre le désir, l’émotion du vivant – au contraire de la photographie dont la trompeuse objectivité a quelque chose d’insoutenable, d’irréel.

*Hubert Damisch, philosophe et historien de l’art - La peinture en écharpe

Cécilie Champy

Ateneocoll08

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Friday, February 10, 2012

Untitled

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Thursday, February 9, 2012

Le Râmâyana

Par son importance intrinsèque, son histoire, sa cosmogonie, le Râmâyana – qui a plus de 3 000 ans d’âge, au bas mot – est l’une des épopées orales les plus grandioses du monde, et seuls les Hindous – qui ont produit depuis, ou avant, qui sait ?, le Mahâbhârata – et les Chinois sont capables de nous éblouir par ce genre de récit. Le mot « éblouissement » est de rigueur quand on voit à quels bouleversements spectaculaires sont soumis le roi Râma et son armée de singes. Celui-ci part à la recherche de sa bien-aimée, Sitâ, que des démons malfaisants ont pris en otage dans les montagnes. L’histoire se termine à l’avantage de Râma, qui libère la reine Sitâ des griffes de son ennemi Râvana, le roi de Lanka, et remonte sur le trône d’Ayodha, dont il avait été dépossédé à la suite d’une sombre intrigue de palais. Avec ces sept chants, où se mêlent poésie et texte, vision apocalyptique et guerres fratricides, dieux et déesses, et tous les éléments de la nature – eau, soleil, vent, végétation, forêts, lacs et rivières –, peut se prévaloir d’une œuvre grandiose, qui est de surcroît entièrement respectueuse de l’humain. Le Râmâyana transcende le temps et offre au monde une sagesse élevée par ses protagonistes au rang d’état cosmique. Rien ne touche les deux principaux personnages, Râma et Sitâ, qui ne trouve sa résonance dans la marche du monde et c’est peut-être là la modernité transformatrice du texte, sa puissance, son génie.

Malek Chebel

Wednesday, February 8, 2012

La France se porte mal

Selon l'étude internationale la plus récente et la plus fouillée sur le sujet, fondée sur des données remontant au début des années 2000, la France arrive en tête des dix-huit pays concernés pour l'incidence d'au moins un épisode dépressif majeur au cours de la vie. Le taux est de 21 %, contre 19,2 % aux États-Unis, 17,9 % aux Pays-Bas et moins de 10 % en Allemagne et en Italie. Concernant la prévalence* d'un épisode dépressif majeur au cours des douze derniers mois, la France est moins mal placée, même si elle reste dans le peloton de tête (5,9 % contre 3 % en Allemagne et en Italie ; le taux américain est de 8.3 %)**. Selon un rapport parlementaire de 2006, le montant des remboursements de psychotropes assurés par la Sécurité sociale est passé de l'équivalent de 317 millions d'euros en 1980 à 1 milliard d'euros en 2003 et 2004, et cette augmentation est surtout liée à la montée en puissance des antidépresseurs de nouvelle génération. La part des patients traités par ces molécules est passée de 2,8 % en 1994 à 5 % en 2003***.

Dans une étude de la Commission européenne publiée en 2004, la France apparaissait par ailleurs en tête des pays européens pour le niveau de "détresse psychologique" et pour la prévalence d'un "désordre mental", d'un "trouble de l'humeur" ou encore d'un "trouble anxieux" survenu au cours des douze derniers mois. Le pays était aussi le champion de la consommation d'antidépresseurs, d'anxiolytiques et d'hypnotiques. Et la France était également, en 2000, le pays européen disposant du plus grand nombre de psychiatres par habitant****.

Mis à part l'essor des troubles dits bipolaires, la prévalence des psychoses ne semble guère varier d'un pays à l'autre. Cependant, selon le rapport parlementaire précité, la consommation de neuroleptiques a sensiblement augmenté des dernières années dans l'Hexagone, principalement du fait des prescriptions de médecins généralistes et le plus souvent pour des pathologies de l'humeur sans rapport avec les troubles psychotiques pour lesquels ces médicaments sont indiqués.

* La prévalence d'une maladie est le nombre de cas enregistrés dans une population à un moment donné.
** Evelyn Bromet et al., BMC Medecine, vol. 9/1, 2011, p. 90.
*** "Le bon usage des médicaments psychotropes", rapport de Mme Maryvonne Briot, 21 juin 2006.
**** The State of Mental Helath in the European Union.

Wednesday, February 1, 2012

Ronald B. Kitaj

La ville en est une autre

Nous entrons, à des vitesses différentes, ici et là, dans un urbain dispersé, qui englobe le territoire de la grande ville et ses infrastructures matérielles et immatérielles. Le roman est-il compatible avec l’urbain ? Pour un temps encore, certainement. Comme contexte territorial, l’urbain est d’ores et déjà présent dans des polars et des romans dits “initiatiques”. L’urbain se faufile dans tous les interstices des paysages contrastés et inattendus d’un territoire quelconque. L’urbain ne recherche plus l’effet “poids”, au contraire, il joue la légèreté, la fluidité, l’éparpillement, mais d’une manière hégémonique, qui balise et contrôle l’ensemble d’un territoire. L’urbain contemporain fonctionne en réseaux et, selon nos activités et nos milieux, notre cartographie existentielle épouse telle ou telle géographie réelle et virtuelle. Ainsi les décideurs séjournent-ils principalement dans des villes globales dont l’économie informationnelle domine le monde. De la même manière qu’aucun individu de par le vaste monde ne vit au même rythme, aucun homo urbanus ne fréquente les mêmes territoires. Conséquemment, la ville que les romanciers ont souvent, par facilité, décrite à deux vitesses, avec sa “ville basse” et sa “ville haute”, se transforme-t-elle en un urbain à plusieurs vitesses et à plusieurs espaces, pas toujours enchevêtrés les uns dans les autres, pas toujours à la même échelle, pas toujours synchrones. Elle ne respecte plus le déroulé narratif et devient de moins en moins lisible. La ville en est une autre.

Thierry Paquot