Le rapport de Delacroix à la photographie, analysé par Damisch* dans l’avant-dernier chapitre intitulé « L’Œil Juste » illustre les contradictions d’un génie « pris en écharpe » entre passé et avenir, entre tradition et modernité. Delacroix a bien compris l’intérêt du nouveau médium qu’il considère comme un formidable aide-mémoire pour le peintre, un outil qui lui permet de voir la nature avec exactitude et même de corriger les défauts des maîtres : Damisch cite ainsi un passage célèbre du Journal dans lequel Delacroix raconte comment il compare avec des amis des gravures de Marcantonio Raimondi à des photographies de modèles nus. « Après avoir examiné ces photographies, écrit Delacroix, je leur ai mis sous les yeux des gravures de Marc-Antoine. Nous avons éprouvé un sentiment de répulsion et presque de dégoût, pour l’incorrection, la manière, le peu de naturel, malgré la qualité de style, la seule qu’on puisse admirer […] qu’un homme de génie se serve du daguerréotype comme il faut s’en servir, et il s’élèvera à une hauteur que nous ne connaissons pas. » Delacroix ne s’aventure cependant pas plus loin : la photographie se doit d’occuper un rôle ancillaire, elle est « la servante au grand cœur » de la peinture qui seule est capable de transmettre le désir, l’émotion du vivant – au contraire de la photographie dont la trompeuse objectivité a quelque chose d’insoutenable, d’irréel.
*Hubert Damisch, philosophe et historien de l’art - La peinture en écharpe
Cécilie Champy
*Hubert Damisch, philosophe et historien de l’art - La peinture en écharpe
Cécilie Champy
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