Le mépris pour les manières bourgeoises à l'intérieur de la bourgeoisie naît avec Les Précieuses de Molière ("Magdelon: Ah ! mon père, ce que vous dites là est du dernier bourgeois"), mais c'est seulement sous le règne de Louis-Philippe que le Bourgeois s'élève à la catégorie universelle et envahissante, suscitant un rejet tout aussi large. Lequel sévit remarquablement en France, c'est-à-dire à Paris, capitale du siècle. Dès le début le Bourgeois est montré comme accouplé à la bêtise (ou sottise, comme disait encore Baudelaire - et c'est le premier substantif que l'on rencontre dans le premier vers des Fleurs du mal), en tant que puissance motrice de l'histoire et de son progrès. On ne craint pas, chez le Bourgeois, une classe sociale, mais un être nouveau qui met fin à toutes les catégories précédentes en les absorbant sans exclusions dans une nouvelle humanité au profil indéfini car toujours changeant. La vision était exacte et correspond à l'état normal des choses un siècle et demi plus tard, quand les sociétés dominantes finissent par s'appuyer avec des approximations, par excès ou par défaut, sur une classe moyenne omniprésente.
Roberto Calasso, La folie Baudelaire
Roberto Calasso, La folie Baudelaire
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