Friday, June 29, 2012
Tuesday, June 26, 2012
Fractal
Le terme fractal vient d'un néologisme inventé par Mandelbrot, du latin « fractus » qui signifie irrégulier ou brisé, et les objets qualifiés de fractals ont pour caractéristiques principales la dimension fractale : « L’œil ne permet plus de fixer de tangente en un point : une droite qu’on aurait porté à dire telle, au premier abord, paraîtra aussi bien, avec un peu plus d'attention, perpendiculaire ou oblique au contour. Si on prend une loupe, un microscope, l'incertitude reste aussi grande, car chaque fois qu'on augmente le grossissent, on voit apparaître des anfractuosités nouvelles, sans jamais éprouver l'impression nette et reposante que donne, par exemple, une bille d'acier poli ». La côte de Bretagne, le chou romanescu, le flocon, etc... seront des exemples d'objets fractals, très répandus dans la nature, que la courbe de Koch montre comme irréguliers, en variation infinie et dont la structure ne change pas malgré le changement d'échelle. Les objets fractals, composés d’itérations, ont une rugosité permettant une mesure non entière, car en effet, leurs propriétés particulières, l'auto-similarités, accepte que chaque partie ressemble à l'objet lui-même.
Monday, June 25, 2012
Le mur des fainéants
À Tanger — En marchant le long du boulevard Pasteur, Genet remarqua un groupe de jeunes gens, garçons et filles, assis sur un petit mur surnommé par les Tangérois “le mur des fainéants”. Il les regarda, s’arrêta, puis me dit : “Tu vois ces jeunes qui s’emmerdent là, si ton roi avait un minimum de respect pour son peuple, il affréterait des avions pour emmener ces jeunes gens voir l’exposition Van Gogh au Grand Palais à Paris. Oui, il les ferait accompagner de professeurs connaissant bien le sujet et je te garantis que ce voyage changerait la vie de ces lycées ou chômeurs. Oui, les emmener au musée, puis au théâtre et même à l’opéra. Tu trouves ça ridicule ? Pas moi. Ça ne viendrait jamais à l’idée du roi et pourtant ça lui coûterait à peine ce qu’il dépense en un matin quand il part jouer au golf !” Cette idée belle et saugrenue, sublime et extravagante, m’a obsédé longtemps. J’y repense de temps en temps. Un jour, j’ai failli en parler au roi Mohamed VI, mais ce fut impossible, les quelques fois où je l’ai vu le protocole intervenait vite et me faisait comprendre qu’il fallait partir. Je pense que l’idée de Genet est toujours valable. Peut-être qu’un ministre de la Culture la réalisera un jour.
Tahar Ben Jelloun, Jean Genet, Menteur Sublime
Sunday, June 24, 2012
Au Japon, on ne parle pas de soi
Au Japon, on ne parle pas de soi. Les deux mots clés structurant le rapport aux autres sont « Gambarimasu » (頑張る, persévérer, faire de son mieux) et « Gaman » (我慢, endurer, faire bonne figure). Le social inhibe l’intime dans le langage. Alors on y est seul. Le japonais, c’est l’expérience de la solitude, du silence : le Japonais est silentiaire.
Les erreurs les plus fréquentes chez les écrivains
Erreur sur le genre du texte : ce qui se veut un roman se transforme en témoignage, en cours d’histoire, en règlement de comptes ou en manifeste idéologique.
Erreur sur le narrateur : mauvais choix de narrateur (ce n’est pas la bonne personne qui raconte l’histoire) ou bien l’auteur se met à parler à la place de son narrateur (un peu comme si on voyait le réalisateur entrer dans le champ de la caméra).
Pauvreté des personnages : personnages vides, sans consistance.
Coquetteries de forme : problème typique du débutant. Pour ne pas faire comme tout le monde, les choix de style ou de structure sont dictés par des raisons extérieures au récit (pour faire joli, original, etc.).
Erreur sur le narrateur : mauvais choix de narrateur (ce n’est pas la bonne personne qui raconte l’histoire) ou bien l’auteur se met à parler à la place de son narrateur (un peu comme si on voyait le réalisateur entrer dans le champ de la caméra).
Pauvreté des personnages : personnages vides, sans consistance.
Coquetteries de forme : problème typique du débutant. Pour ne pas faire comme tout le monde, les choix de style ou de structure sont dictés par des raisons extérieures au récit (pour faire joli, original, etc.).
Laure Pécher, agent littéraire et formatrice en ateliers d’écriture
La parole à l’état de foudre
La presse est un élément jadis ignoré, une force autrefois inconnue, introduite maintenant dans le monde ; c’est la parole à l’état de foudre ; c’est l’électricité sociale. Pouvez-vous faire qu’elle n’existe pas ? Plus vous prétendrez la comprimer, plus l’explosion sera violente. Il faut donc vous résoudre à vivre avec elle, comme vous vivez avec la machine à vapeur. Il faut apprendre à vous en servir, en la dépouillant de son danger, soit qu’elle s’affaiblisse peu à peu par un usage commun et domestique, soit que vous assimiliez graduellement vos mœurs et vos lois aux principes qui régiront désormais l’humanité.
François-René de Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe
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L’instruction élémentaire des masses donne des consommateurs sans bornes à la parole imprimée, les chemins de fer lui ouvrent des routes, la vapeur lui prête des ailes, le télégraphe visuel lui donne des signes ; enfin l’invention récente du télégraphe électrique lui communique l’instantanéité de la foudre. Plus réellement que dans le vers célèbre de Franklin : Eripuit cœlo fulmen ! dans quelques années, un mot prononcé et reproduit sur un point quelconque du globe pourra illuminer ou foudroyer l’univers.
Alphonse de Lamartine, Gutenberg, 1853
Friday, June 22, 2012
Time is money
L’analogie du temps avec l’argent est par contre fondamentale pour analyser “notre temps”, et ce que peut impliquer la grande coupure significative entre temps de travail et temps libre, coupure décisive, puisque c’est sur elle que se fondent les options fondamentales de la société de consommation. Time is money : cette devise inscrite en lettres de feu sur les machines à écrire Remington l’est aussi au fronton des usines, dans le temps asservi de la quotidienneté, dans la notion de plus en plus importante de “budget-temps”. Elle régit même — et c’est ce qui nous intéresse ici — le loisir et le temps libre. C’est encore elle qui définit le temps vide et qui s’inscrit au cadran solaire des plages sur le fronton des clubs de vacances. Le temps est une denrée rare, précieuse, soumise aux lois de la valeur d’échange. Ceci est clair pour le temps de travail, puisqu’il est vendu et acheté. Mais de plus le temps libre lui-même doit être, pour être “consommé”, directement ou indirectement acheté. Norman Mailer analyse le calcul de production opéré sur le jus d’orange, livré congelé ou liquide (en carton). Ce dernier coûte plus cher parce qu’on inclut dans le prix les deux minutes gagnées sur la préparation du produit congelé : son propre temps libre est ainsi vendu au consommateur. Et c’est logique, puisque le temps “libre” est en fait du temps “gagné”, du capital rentabilisable, de la force productive virtuelle, qu’il faut donc racheter pour en disposer.
Jean Baudrillard, La Société de consommation
La publicité
La publicité constitue la dernière en date de ces tentatives. Bien qu’elle vise à susciter, à provoquer, à être le désir, ses méthodes sont au fond assez proches de celles qui caractérisaient l’ancienne morale. Elle met en effet en place un Surmoi terrifiant et dur, beaucoup plus impitoyable qu’aucun impératif ayant jamais existé, qui se colle à la peau de l’individu et lui répète sans cesse : “Tu dois désirer. Tu dois être désirable. Tu dois participer à la compétition, à la lutte, à la vie du monde. Si tu t’arrêtes, tu n’existes plus. Si tu restes en arrière, tu es mort.” Niant toute notion d’éternité, se définissant elle-même comme processus de renouvellement permanent, la publicité vise à vaporiser le sujet pour le transformer en fantôme obéissant du devenir. Et cette participation épidermique, superficielle à la vie du monde est supposée prendre la place du désir d’être. La publicité échoue, les dépressions se multiplient, le désarroi s’accentue ; la publicité continue cependant à bâtir les infrastructures de réception de ces messages. Elle continue à perfectionner des moyens de déplacement pour des êtres qui n’ont nulle part où aller, parce qu’ils ne sont nulle part chez eux ; à développer des moyens de communication pour des êtres qui n’ont plus rien à dire ; à faciliter les possibilités d’interaction entre des êtres qui n’ont plus envie d’entrer en relation avec quiconque.
Michel Houellebecq, Les Particules élémentaires
Un instrument d’interprétation du monde
La cartographie, terme né à la fin du XIXe siècle, renvoie aujourd’hui à toute une série de pratiques pluridisciplinaires. Selon Turnbull, cartographier signifie en général « assembler des savoirs locaux », savoirs qui sont de nature fondamentalement géographiques. Ainsi, cartographier les villes, les campagnes, les mers et les paysages, les lieux et les espaces contribuent à l’élaboration de géographies réelles et fictionnelles qui exercent une influence politique et économique, sociale et culturelle. Ainsi, relève Casti, la cartographie est aussi devenue « une théorie des actes cognitifs et des technologies par lesquels l’homme réduit la complexité environnementale et s’approprie intellectuellement le monde ». La cartographie est donc aussi un « instrument d’interprétation du monde », un langage, mobilisé tant pour essayer de rendre compte du réel (cartes documentaires des voyageurs, des géographes) que de l’imaginaire (cartes jointes à des romans, des bandes dessinées).
[...]
Bien souvent nourri par un imaginaire de lieux, l’écrit littéraire a partie liée avec la géographie. Daniels et Rycroft avancent l’hypothèse que la forme littéraire est géographique de façon inhérente car le monde du roman est fait d’emplacements et de milieux, de territoires et de frontières, de perspectives et d’horizons. Des espaces et des lieux sont investis et imaginés . Westphal quant à lui développe la géocritique, une méthode d’analyse qui mobilise « la théorie littéraire, la géographie culturelle et l'architecture » . Qu’elles s’ancrent plus ou moins fidèlement dans des lieux réels ou dépeignent des univers fictionnels, les narrations sont donc aussi des instruments de connaissance permettant, par le détour de l’imaginaire, d’appréhender le réel. En retour, si la démarche scientifique qui consiste à explorer les fictions pour en donner une lecture des sociétés est peu courante en France, comme l’a souligné Musset, quelques essais précurseurs avaient cependant ouvert la voie (Frémont cartographiant l’espace vécu de Madame Bovary , Lacoste redessinant le cadre géopolitique du Rivage des Syrtes , …) ; ces approches actuellement renouvelées par des expériences novatrices de cartographie et de modélisation des œuvres de fiction qui en démontrent tout l’intérêt au plan heuristique (par exemple Semmoud et Troin ou Brosseau ).
Sunday, June 10, 2012
Virtuel x 3
Notre culture contemporaine semble réaliser une brillante synthèse entre l'intégration la plus poussée, celle des fonctions, celle des espaces, celle des hommes, et l'éjection la plus radicale, le rejet quasi-biologique — le système nous expulsant à mesure qu'il nous intègre, dans d'innombrables prothèses techniques, jusqu'à la toute dernière et la plus admirable : celle de la pensée dans l'Intelligence Artificielle [..] Tout sera à la fois accompli, réalisé, et éjecté dans le vide. Nous entrerons, délivrés de nous-mêmes, dans l'univers spectral et sans problèmes. Ça, c'est la Grande Virtualité.
Jean Baudrillard, Le Crime parfait
L'assurance des défenseurs inconditionnels du virtuel provient de leur soumission face au miroitement des images et aux possibilités insondables dispensées par les différents réseaux. Ils s'assurent par là une publicité de convenance et une intervention éphémère sur les médias qui les satisfont au plus haut point. Le discours intellectualiste conformiste s'acoquine avec les médias les plus ordinaires, et c'est très bien ainsi.
Alain Gauthier, Le Virtuel au quotidien
Prôner la suppression de l'humanité comme réalisation de la liberté humaine — ce que font les prophètes hallucinés du cyborg, cet hybride homme-machine, ou encore ceux qui prétendent remodeler l'humanité en bidouillant son génome — c'est toujours, en fin de compte, vouloir réaliser le même rêve : remplacer l'individu humain tel que nous le connaissons, gênant et maladroit, avec son intolérable lot d'imperfections, par quelque chose de nouveau et de meilleur, ce qui serait en effet la confirmation, tant attendue, de l'idéologie du progrès. Mais toutes ces fuites en avant ne prouvent qu'une seule chose : le désarroi, voire le délabrement intellectuel de leurs partisans.
Jean-Marc Mandosio, Après l'effondrement
Jean Baudrillard, Le Crime parfait
L'assurance des défenseurs inconditionnels du virtuel provient de leur soumission face au miroitement des images et aux possibilités insondables dispensées par les différents réseaux. Ils s'assurent par là une publicité de convenance et une intervention éphémère sur les médias qui les satisfont au plus haut point. Le discours intellectualiste conformiste s'acoquine avec les médias les plus ordinaires, et c'est très bien ainsi.
Alain Gauthier, Le Virtuel au quotidien
Prôner la suppression de l'humanité comme réalisation de la liberté humaine — ce que font les prophètes hallucinés du cyborg, cet hybride homme-machine, ou encore ceux qui prétendent remodeler l'humanité en bidouillant son génome — c'est toujours, en fin de compte, vouloir réaliser le même rêve : remplacer l'individu humain tel que nous le connaissons, gênant et maladroit, avec son intolérable lot d'imperfections, par quelque chose de nouveau et de meilleur, ce qui serait en effet la confirmation, tant attendue, de l'idéologie du progrès. Mais toutes ces fuites en avant ne prouvent qu'une seule chose : le désarroi, voire le délabrement intellectuel de leurs partisans.
Jean-Marc Mandosio, Après l'effondrement
Choix dans le regard
William Klein, dans sa série de documentaires intitulée Contacts (réalisés pour le centre national de la photographie), demande à différents photographes d’expliquer leurs choix par rapport à une série de photos sur planche-contact, il pointe à juste titre l’importance de cette histoire-là, de cette genèse-là. La photo, comme l’image vidéo, est le fruit du rapport d’un individu avec une situation et de son choix, choix dans le regard, comme ensuite choix de présentation dans les circuits de diffusion. Rien n’est moins “naturel” et normal : que ce soit l’insistance sur l’à-côté de l’action, le détail, la micro-photo, ou le grand angle, la macro-photo, la conjonction chaotique, boulimique, d’éléments sans rapport et pourtant raccordés, que ce soit la diffusion sans apprêt d’un polaroïd ou la retouche, le redécoupage, l’imbrication savante avec un titre.
Laurent Gervereau, Rapporter le réel, Éthique esthétique politique, 1997
Friday, June 8, 2012
Thursday, June 7, 2012
C’est de l’art
Pour sa prolifique descendance, l’acte de l’art ne consiste plus dans
la fabrication d’un objet que l’on peut désigner comme œuvre, mais dans
un geste, parfois informe : celui de déplacer un objet, d’en changer
l’orientation ou d’en modifier le nom, et ainsi d’en transformer le
statut, ou celui de la collecte, de la récupération d’image déjà
existantes. Dans le cas d’Élevage de poussière (1920) de Duchamp et Man
Ray, la photographie, en lumière rasante, d’un amas de poussière déposé
sur le Grand Verre figure le geste minime de laisser faire,
laisser être, laisser le dépôt de poussière se produire, laisser voir la
marque du temps. L’abstention même est un geste. Aussi peut-on être
artiste même dans l’inaction. L’« être artiste » est un état permanent.
C’est une qualité inaliénable. Dès 1925, Kurt Schwitters le proclame :
« tout ce qu’un artiste crache, c’est de l’art », maxime à laquelle
Piero Manzoni donne en 1961 une acception élargie, d’un orifice à
l’autre. L’artiste en sa totalité est art. Art total, il ne l’est pas en
vertu de son œuvre, mais en vertu de son être. Aussi pense-t-il qu’il
lui suffit d’un geste de désignation, comme s’il se croyait le seigneur
signifiant à saint Matthieu sa vocation, pour métamorphoser une personne
quelconque en « sculpture vivante », ainsi que Manzoni le faisait en
1961, par apposition de sa signature sur des passants.
Jean Galard, L’art sans œuvre, in L’œuvre d’art totale
Wednesday, June 6, 2012
Friday, June 1, 2012
Le quartier
La ville peut-elle être appréhendée comme une « pâte urbaine » qui mêle les consciences et le tissu urbain : dès lors, si la médiation des lieux peut être « oubliée » par ses habitants, l’appartenance à un quartier en fait un opérateur central :
« Nous pouvons concevoir les relations des hommes à leur quartier de plusieurs façons. Ou bien ils traversaient l’opacité des lieux – médiation nécessaire mais oubliée […]. Ou bien ils nouaient leur existence commune à même la pâte urbaine. Ou encore, et cette fois la relation se fait indirecte, le décor les avait polis d’une certaine façon et les avaient rendus semblables par quelques côtés. » Pierre Sansot, Poétique de la ville, 1971
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