Le 2 juillet 1961 au matin, l’auteur du Vieil homme et la mer, alors âgé de 61 ans, s’emparait de son fusil de chasse préféré et se tirait une balle dans la tête. On attribua alors cet acte aux troubles bipolaires de l’écrivain, à son mal d’inspiration, à des angoisses liées à des problèmes d’argent, de santé voire à une dispute conjugale. Aujourd’hui, pourtant, Aaron Edward Hotchner, auteur de Papa Hemingway et grand ami de l’écrivain au cours des quatorze dernières années de sa vie, remet en cause ces hypothèses. À l’occasion du cinquantenaire de sa mort, dans une lettre parue dans le New York Times, il rappelle qu’Hemingway se rendit à Cuba en 1959, pour écrire un article commandé par le magazine Life. Le soupçonnant de collaborer avec le régime cubain, le F.B.I le mit alors sous surveillance étroite, ce dont atteste un dossier de 127 pages, rendu public en 1983. Les documents prouveraient même que l’un des agents fédéraux, J. Edgar Hoover, avait pris un intérêt personnel dans cette enquête. Se remémorant les mois ayant précédé le drame, Aaron Edward Hotchner se souvient de la détresse d’Hemingway lors d’une visite à son domicile de Ketchum dans l’Idaho: « C'est le pire des enfers, lui aurait confié l’écrivain. Ils ont tout mis sur écoute. Voilà pourquoi nous utilisons la voiture du Duke : la mienne est sur écoute. Tout est sur écoute. Impossible de téléphoner. Mon courrier est intercepté. » Cette surveillance oppressante aurait perduré à l’hôpital Saint Mary, dans le Minnesota, où l’écrivain fut admis en novembre 1960 pour y recevoir des soins psychiatriques par électrochocs. Aujourd’hui, Hotchner regrette d’avoir sous-estimé la hantise qu’Hemingway avait du F.B.I. « J’ai essayé de confronter cette peur avec l’enquête réelle menée par les fédéraux. Je pense désormais qu’il sentait réellement la surveillance et que celle-ci a substantiellement contribué à son angoisse et son suicide. »
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