Fréderic Lordon ébauche une typologie des différents types de don :
— Le don de pacification : il s’établit pour réprimer la violence originelle des conatus. La société n’est faite que de ces conatus et de leur régulation. La pacification est donc comme une guerre menée à la guerre : les pulsions prédatrices doivent être domestiquées et tournées en leur contraire. « C’est du prendre que vient le danger, c’est lui qu’il faut impérativement entourer de “toutes sortes de précautions archaïques”, c’est sa violence intrinsèque qu’il faut neutraliser par une mise en forme “sans aucune faute” ». Au lieu de dépenser ses forces à piller et tuer son voisin, on apprendra au contraire à se montrer généreux envers lui. « Au moment même où le geste pronateur se révèle comme le mouvement le plus brut du conatus, il s’annonce également comme le péril social par excellence dès lors qu’il menace de prendre des mains d’autrui ce qu’il ne peut pas prendre à la nature ». Le combat de l’homme contre l’homme est transformé en une joute agonale, selon le jeu réglé du don / contre-don : tu m’offres énormément et je t’en remercie avec gratitude. Mais je saurai me montrer encore plus généreux que toi et j’en acquerrai un prestige supérieur. « Tant que les appareils de la pacification fondamentale sont encore trop fragiles et que la libération des conatus sous la forme utilitaire-matérielle ne cesse d’emporter le risque de la décomposition violente, l’échange économique intéressé est voué à la stigmatisation et à l’indignité. A contrario, la grandeur des pratiques de l’échange symbolique est attestée par une forme de renoncement consenti aux yeux de tous, le sacrifice des élans spontanés de son conatus manifestant un haut degré de maîtrise de soi — c’est-à-dire de ses pulsions antisociales — et de considération pour les exigences de la cohésion collective ». Cette première forme du don est bien une mise en forme, qui exige un respect impeccable du cérémoniel de l’échange, de manière à tenir à l’écart les choses et les appétits qu’elles excitent.
— Le don de sociation : La menace de l’anarchie généralisée étant écartée, la société acquiert une plus grande stabilité, qui permet une plus grande complexité des échanges. Ce deuxième type de don permet d’entretenir de bonnes relations avec ses "amis". Il maintient des relations d’obligations réciproques et inclue-même les pratiques de celui qui corrompt, soudoie, stipendie. Le don, loin d’être pur, est intéressé à maintenir l’intérêt du donateur, par une pratique qui m’attache la reconnaissance d’autrui, et qui se fait passer pour de la pure libéralité.
— Le don unilatéral : Il est le plus proche du modèle idéal de don pur, gratuit, fait par pure générosité. Il a pour effet d’accroître son estime. Il est plus raffiné, plus civilisé, plus beau sans doute, mais pas moins intéressé, car même l’homme le plus généreux aime jouir de l’estime des autres et ressentir sa puissance dans l’acte même d’offrande. Il est en un sens le plus trompeur car il est celui qui peut le plus passer pour une donation sans réciproque.
— Le don de pacification : il s’établit pour réprimer la violence originelle des conatus. La société n’est faite que de ces conatus et de leur régulation. La pacification est donc comme une guerre menée à la guerre : les pulsions prédatrices doivent être domestiquées et tournées en leur contraire. « C’est du prendre que vient le danger, c’est lui qu’il faut impérativement entourer de “toutes sortes de précautions archaïques”, c’est sa violence intrinsèque qu’il faut neutraliser par une mise en forme “sans aucune faute” ». Au lieu de dépenser ses forces à piller et tuer son voisin, on apprendra au contraire à se montrer généreux envers lui. « Au moment même où le geste pronateur se révèle comme le mouvement le plus brut du conatus, il s’annonce également comme le péril social par excellence dès lors qu’il menace de prendre des mains d’autrui ce qu’il ne peut pas prendre à la nature ». Le combat de l’homme contre l’homme est transformé en une joute agonale, selon le jeu réglé du don / contre-don : tu m’offres énormément et je t’en remercie avec gratitude. Mais je saurai me montrer encore plus généreux que toi et j’en acquerrai un prestige supérieur. « Tant que les appareils de la pacification fondamentale sont encore trop fragiles et que la libération des conatus sous la forme utilitaire-matérielle ne cesse d’emporter le risque de la décomposition violente, l’échange économique intéressé est voué à la stigmatisation et à l’indignité. A contrario, la grandeur des pratiques de l’échange symbolique est attestée par une forme de renoncement consenti aux yeux de tous, le sacrifice des élans spontanés de son conatus manifestant un haut degré de maîtrise de soi — c’est-à-dire de ses pulsions antisociales — et de considération pour les exigences de la cohésion collective ». Cette première forme du don est bien une mise en forme, qui exige un respect impeccable du cérémoniel de l’échange, de manière à tenir à l’écart les choses et les appétits qu’elles excitent.
— Le don de sociation : La menace de l’anarchie généralisée étant écartée, la société acquiert une plus grande stabilité, qui permet une plus grande complexité des échanges. Ce deuxième type de don permet d’entretenir de bonnes relations avec ses "amis". Il maintient des relations d’obligations réciproques et inclue-même les pratiques de celui qui corrompt, soudoie, stipendie. Le don, loin d’être pur, est intéressé à maintenir l’intérêt du donateur, par une pratique qui m’attache la reconnaissance d’autrui, et qui se fait passer pour de la pure libéralité.
— Le don unilatéral : Il est le plus proche du modèle idéal de don pur, gratuit, fait par pure générosité. Il a pour effet d’accroître son estime. Il est plus raffiné, plus civilisé, plus beau sans doute, mais pas moins intéressé, car même l’homme le plus généreux aime jouir de l’estime des autres et ressentir sa puissance dans l’acte même d’offrande. Il est en un sens le plus trompeur car il est celui qui peut le plus passer pour une donation sans réciproque.
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