Dans les cercles mondains régnait une aversion pour tout ce qui était scolaire. Le mépris de la noblesse pour le système scolaire se perpétuait. Pour de nombreux aristocrates, il était incompréhensible et probablement insupportable de voir des gens revendiquer de l’estime pour avoir « mis le nez dans certains livres ». Ils ne parvenaient pas à éprouver le moindre respect pour quelqu’un qui, ayant beau maîtriser une langue morte, s’avérait incapable d’avoir une « conversation décente ». Ils avaient deux mots pour exprimer leur dégoût : « cuistre » et « pédant ». Le premier faisait référence au savoir scolaire et à la tendance à pontifier ; le second, doté d’une signification beaucoup plus large, était le commun dénominateur de tous les savoirs qui provoquaient le dédain des courtisans. À l’origine, « pédant » signifiait seulement professeur ou instituteur. mais le mot reçut une connotation négative dans des comédies italiennes des xvie et xviie siècles. La figure du pedante y était associée à l’étalage de connaissances ainsi qu’à un mauvais usage de la langue (marqué par beaucoup de latinismes) et à un manque de compréhension du monde. Ainsi, Montaigne commence son essai intitulé Du pédantisme par un renvoi à la comedia pedantesca. Selon cet auteur, que de telles satires « despitaient en son enfance », c’étaient les hommes les plus galants qui témoignaient du plus grand mépris pour la pédanterie. Chez lui, « pédant » a encore une signification assez précise et désigne toutes les formes du savoir qui n’apportent rien à une vie meilleure et qui s’opposent à la sagesse.
Johan Heilbron, Naissance de la sociologie
Johan Heilbron, Naissance de la sociologie
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